CSE : Le Sgen-CFDT refuse de voter le projet de loi sur la Laïcité
Conseil supérieur de l'Éducation du 15 janvier
2004
Projet de loi sur la laïcité intervention de Jean-Luc Villeneuve,
secrétaire général du Sgen-CFDT
Le
Sgen-CFDT est fondamentalement attaché aux valeurs de la laïcité. En effet, la
laïcité doit favoriser la rencontre des idées et des cultures. Elle doit mettre
en avant la recherche de la compréhension mutuelle, l’écoute, le dialogue.
Cette laïcité est indissociable de l’égalité des sexes, de l’émancipation des
individus.
L’École
est, bien entendu, le lieu privilégié pour mettre en pratique les valeurs de la
laïcité. Elle doit contribuer à l’intégration en excluant de fait
l’affrontement de communautés qui tendent de plus en plus à se refermer sur
elles-mêmes. Mais l’École ne peut être responsable de tout. Elle n’est pas responsable
du chômage, des exclusions, de l’absence de réelle politique de la Ville, de
mixité sociale et elle n’est pas responsable de la ghettoïsation d’un certain
nombre d’établissements qui de fait conduit au communautarisme.
Reconnaître
l’autre, son origine, sa culture ne peut en aucune façon conduire à une
différenciation des droits.
Pour
le Sgen-CFDT, cette laïcité exclut de fait tout prosélytisme, s’oppose à
l’obscurantisme et aux intégrismes.
Même
s’il peut parfois être le signe d’une affirmation ou recherche identitaire,
nous savons aussi que le port du voile peut être une provocation politique,
nous savons aussi que le voile manifeste bien souvent une conception du statut
de la femme contraire à nos valeurs fondamentales concernant l’égalité des
sexes.
Pour
autant, le Sgen-CFDT a toujours pensé que légiférer en la matière peut être
contestable, dangereux même. Cette loi risque de stigmatiser une religion, une
population, des jeunes en mal d’intégration. On évoque davantage le voile que
la kippa ou la croix, comme Luc Ferry l’a dit.
Et
puis, que va apporter cette loi, même une loi « dite d’équilibre »,
comme Luc Ferry l’a déclaré ? Une clarification ? Manifester
« ostensiblement » une appartenance religieuse ! Pourra-t-on
évider les discussions ? Cette loi va-t-elle faire l’impasse du nécessaire
dialogue avec les jeunes, leurs familles ?
J’ajoute
qu’appliquer une telle loi à Mayotte ou à La Réunion sera vécu comme une
véritable provocation. Alors que la laïcité commençait à pénétrer positivement dans
la société mahoraise, on risque de retourner -au mieux- à la case départ.
Comment expliquer que le voile est interdit dans les établissements
d’Alsace-Moselle alors que le concordat maintient l’enseignement religieux et
les crucifix ? Comment expliquer que cette loi ne s’appliquera pas à
l’enseignement privé sous contrat. Ces établissements qui concourent au service
public ne seront pas concernés ?
Plutôt
qu’une loi, il nous apparaît beaucoup plus judicieux et urgent de rappeler
-comme dans l’exposé des motifs-, dans le cadre d’une nouvelle loi
d’orientation sur l’École, le caractère obligatoire de tous les cours (EPS bien
sûr, mais aussi biologie, philosophie), et de la mixité tant dans les salles de
classe que dans les piscines ...
Le
Sgen-CFDT n’entend bien entendu pas mener une « croisade » contre
cette loi, mais son rôle est d’alerter sur les dangers encourus. Le Sgen-CFDT
refusera de voter.